[Maëlie]Fleur d'espoir

(Maëlie est un de mes nombreux personnages )

Cet étrange nuage noir n'en finissait pas de grossir au loin, assombrissant encore plus la nuit d'été.
Pourtant, ses yeux ne le voyaient même pas.

Lumbata, grand guerrier de son clan, devait aujourd'hui assister impuissant au combat le plus important de sa vie : celui de son enfant.
Un cri de douleur déchira le silence. D'un mouvement brusque, l'homme à la puissante carrure se retourna, quittant la faible lueur de la vitre pour s'approcher à grand pas d'une porte en bois massif.

Kidyi !

Le regard empli d'inquiétude, le grand homme hésita pourtant sur le seuil.
Sa femme luttait, de l'autre côté, pour donner la vie à son enfant. La tradition voulait qu'il n'assiste pas à la naissance.
Pourtant, comment laisser souffrir cette femme qu'il aimait tant?

Avec douceur et fermeté, le guerrier osa enfin pénétrer dans le sanctuaire féminin, qui lui était resté interdit depuis maintenant près de 10 longues heures.

Et ce qu'il vit lui déchira le coeur...
Exangue, hâletante et trempée de sueur, la jeune femme pâle qui gisait dans le lit, entourée de soin, n'était plus qu'un fantomatique reflet de celle qu'il chérissait. Ses cheveux roux épars accentuaient encore l'étrange contraste de sa peau et de ses yeux clairs assombris par la douleur.

Kidyi... Ma tendre, mon coeur...

Il s'approcha d'un côté du lit et lui pris la main. Kidyi serra ses doigts avec une telle force qu'il en sursauta, tandis qu'un autre cri déchirait encore la gorge de la future mère.

Un peu en retrait, les femmes de la famille n'osaient pas intervenir.
Bien sûr, tout le monde savait : Kidyi mourrait en donnant la vie, c'était écrit. Elle avait perdu beaucoup trop de sang, et cet accouchement était bien trop long. Mais comment l'annoncer au grand colosse noir qui veillait maintenant sur elle avec un regard aussi tendre que perdu?

Soudain, dans un étrange silence, un petit cri effronté se fit entendre.
Etonné, le père leva le regard vers l'enfant que l'on tirait du ventre de sa mère et que l'on nettoyait, avant de le lui présenter.
Son enfant...

Le linge s'agita un peu, et une petite main d'un teint mat apparût.
Sous une petite mèche rousse, un petit visage doux et plissé de contrariété se calma sous son bercement.

Sa fille...

Perdu dans sa contemplation, Lumbata ne compris pas tout de suite l'agitation qui régnait à ses côtés.
Revenant à la réalité, il vit sa femme, inconsciente... mourrante!
Serrant la petite dans ses bras, le grand homme fondit en larme silencieuse en prenant la main de sa femme.

Par le ciel, les dieux et tout ce qui existe... sauvez la! Sauvez ma femme, je vous en conjure! Sauvez la!

S'il existe vraiment une Lumière, je vous en prie, ne me retirez pas la mienne! Ne m'ôtez pas mon Soleil!

Kidyi... Kidyi!

Il prit une longue inspiration, les yeux fermés, ses pensées vagabondant loin, très loin de son corps.

Là-haut, dans ce ciel si bleu qu'il était difficile à contempler, là-haut, quelque chose veillait sur lui. Ou peut-être sur sa fille. Ou peut-être sur les deux.

Un éclat de rire perça le silence et le força à rouvrir les yeux. Il accueilli la jeune nounou avec un sourire emprunt de fierté, lorsqu'elle lui tendit sa fille.

"Maëlie, comment vas-tu aujourd'hui, ma belle?"

Un gazouilli joyeux et inquisiteur lui répondit.
Le visage rayonnant, le guerrier releva les yeux pour s'adresser à la nounou, qui déjà repartait.

"Et Kidyi?

- Elle va bien, Seigneur. Les Dieux seuls savent comment c'est possible, mais sa santé s'est nettement améliorée. On dirait que chaque fois qu'elle voit votre fille, la vie revient un peu plus dans son regard, dans son corps."

Pour la millième fois au moins depuis l'accouchement, Lumbata posa un baiser tendre sur le front de sa fille avant de la couver d'un regard empli d'une intense gratitude.
Ravie, l'enfant gazouillait de plus belle, gigottant dans ses langes, agitant fébrilement ses mains curieuses pour saisir les pans de tissus à sa portée.

"C'est la Lumière... La Lumière est avec cette enfant...
Elle a entendu ma prière, et Sa Grâce à touché ma fille."

Un frémissement d'émotion passa dans sa voix bourrue pleine de tendresse.
Oui, quelque chose là-haut veillait sur eux tous...

"Ma fille, Maëlie... ma "Fleur d'Espoir", dans la langue de mon peuple.
Puisses-tu fleurir et sauver ce monde comme tu as sauvé ta mère."